LES MUTILES DE GUERRE
 

Que faut-il penser des Munga à motorisation étrangère?

Peut-être vous arrivera t-il de rencontrer une Munga dont le moteur vous semblera affligé d'un défaut de langage. Au lieu des harmoniques mélodieuses du 3 cylindres 2 temps, vous entendrez des éructations réminiscentes d'un moteur à soupapes, ou pire encore, d'un "mazout".
Ne croyez pas alors avoir découvert un prototype d'usine en phase de mise au point. Il faut savoir en effet que toutes les Munga commercialisées entre 1957 et 1968 furent animées en 2 temps.

- Pour entendre la DKW en version originale, cliquez ici -

Nous parlons bien des véhicules commercialisés, car 1966 vit apparaitre des prototypes particulièrement intéressants:
Le premier servit de laboratoire roulant pour la mise au point du moteur Wankel bi-rotor type KKM 662, qui équipa la NSU Ro80.

Le Wankel bi-rotor semble avoir donné des ailes à HN-04072. Les journalistes- essayeurs de l'époque relèvent un manque de couple à bas régime, ainsi que des soubresauts en décélération. (caractéristiques semblables au deux temps!).
Cela conduisit à équiper la Ro80 d'un convertisseur de couple qui atténuera ces défauts.
Couplé à la boîte de vitesses de la Munga, le birotor laisse voir sa compacité.
Le démarreur n'ayant pu retrouver son emplacement initial, c'est la dynamo 24V 600W d'origine qui en tient lieu, après avoir été convertie en dynastart. L'entraînement du moteur se faisant par deux courroies trapézoïdales.



Quelques Munga furent équipées d'un moteur 6 cylindres 2 temps expérimental destiné à des applications maritimes et automobiles, moteur construit par l'ingénieur indépendant Müller à Andernach.
On voit ici un exemplaire de ce moteur installé dans une Auto-Union 1000 Sp.


Conversion de moteur: les raisons du désastre.

Dès les années '70, de nombreuses Munga se trouvèrent en panne de moteur, suite aux sévices infligés par des militaires en mal d'émotions fortes ou d'une façon moins héroïque après avoir oublié de verser un peu d'huile dans le réservoir.
Or, quelques années déjà après l'extinction de la marque DKW, les moteurs échange standard n'étaient plus disponibles dans le réseau Audi. En revanche, des moteurs 4 temps extraits de voitures prématurément pourries se négociaient à la casse contre un carton de bières.
Il se mit en place une véritable industrie parallèle menée par des bricoleurs-constructeurs d'arrière-cour, qui consista à adapter un moteur Ford V4, Renault 12, Opel Kadett, Golf diesel ou que sais-je dans des Munga qui par ailleurs étaient encore en bon état mécanique.

En quoi consiste la transplantation?

Tous les moteurs de remplacement étant plus longs et volumineux que le 3 cylindres d'origine, la carrosserie et le capot moteur doivent être allongés de 5 à 15 cm. Pour la même raison, le châssis se voit amputé de la traverse avant, voire même de la traverse intermédiaire, réduisant drastiquement sa rigidité transversale.

Les flèches montrent l'emplacement des traverses supprimées sur ce châssis transformé pour Ford V4.
Les longerons de section carrée ont été ajoutés, mais ne restituent pas la rigidité transversale du châssis.
On voit également l'entretoise d'adaptation entre moteur et BV qui fait le lien entre les vis de fixation respectives qui naturellement ne se trouvent plus face à face..
Ce carter de boîte à vitesses sauvagement découpé a vu disparaitre 2 des 6 vis de fixation, afin de laisser la place au démarreur et autres éléments du moteur de remplacement. Ici, l'arbre d'entrée de boîte n'a pas été modifié. Parfois, on en trouve muni d'une rallonge soudée (!) afin de compenser l'épaisseur de l'entretoise d'adaptation
Enfin, Il va de soi que tous les périphériques du moteur, alimentation refroidissement et échappement font l'objet d'adaptations plus ou moins hasardeuses.
Dans l'espoir de renoncer à l'allongement de la caisse, et au mépris de toute logique, ce radiateur a été déplacé dans la partie la plus chaude du compartiment moteur.


On ne s'improvise pas constructeur d'automobile !


Quelles sont les conséquences de la transplantation.

1) La plus visible est évidemment l'aspect du véhicule.

Certains prirent l'allure d'un véritable laideron.

 

2) Destruction programmée de la transmission: La Munga 4x4 ne disposant pas de différentiel central, la compensation des régimes différents entre les essieux AV et AR qui se produisent en courbe ou simplement lors de pressions de gonflage inégales ne peut se faire que par le ripage des pneus.
Si ce phénomène n'est pas gênant en TT, l'utilisation sur route engendre des efforts considérables sur les cardans et arbres de transmission. C'est d'autant plus vrai si le moteur est lourd ou la jeep très chargée. Or, le point faible dans la construction de la Munga est la boîte à vitesses, plus particulièrement le réducteur tous-terrains.
Le couple délivré par un 4 cylindres 4 temps est plus saccadé que le 3 cylindres 2 temps, augmentant ainsi les contraintes sur les engrenages.

3) Souvent, l'entretoise d'adaptation ne garantit pas le centrage précis entre moteur et BV. Cela affecte tout particulièrement le fonctionnement de l'embrayage et conduit à la destruction rapide de l'arbre d'entrée de BV. L'entretoise pour Ford V4 illustrée sur l'image ci-avant n'a pas la rainure périphérique de centrage prévue dans le montage d'origine.

4) L'arbre d'entrée de boîte doit être guidé par un roulement pilote au centre du volant moteur.
Si ce palier n'existe plus après la conversion, la rupture de BV est programmée.


En fin de compte, la seule transplantation viable a été réalisée par Volkswagen en 1978, soit 10 ans après la fin de production de la Munga. Il en est sorti l'Iltis, sorte de F91/4 affadie équipée du moteur 1700 cc de la Passat. Pour les raisons invoquées plus haut, ce véhicule dispose d'un crabotage sur le 4x4, lequel a pris la place dans la BV des réducteurs tous-terrains qui du coup ont été supprimés.

Par mesure de consolation, la boîte à vitesses reçut un premier rapport très démultiplié ajouté aux 4 vitesses initiales.
Pour la petite histoire, l'Iltis a été produite de 1978 à 1988 dans l'usine d'Ingolstadt sur les chaînes de la DKW.

Le potentiel de la conception Munga a été mis en évidence lorsque L'Iltis remporta le Paris-Dakar en 1980.

Cette vue de l'Iltis laisse voir l'héritage de la F91/4 sous la forme des roues indépendantes suspendues par des ressorts à lames transversaux, des freins à tambours sans oublier les flancs nervurés caractéristiques de la carrosserie. Avec le souci d'équilibrer la dysharmonie du long porte-à-faux AV, les constructeurs n'ont pas hésité à allonger l'arrière dans la foulée. En revanche, l'empattement de 2 mètres a été repris sans retouche de la Munga.


Avantages des Munga transplantées:

- Le recours temporaire à un moteur étranger a sans doute permis au véhicule d'éviter la casse, donc de survivre pendant la période où la DKW F91/4 n'était pas un véhicule de collection.

- Une reconversion à l'origine est toujours possible. D'ailleurs, le véhicule qui a servi à illustrer cette page fait actuellement l'objet d'une telle opération. Vous pourrez prochainement suivre sur le site l'avancement des travaux.

- Pour les paresseux de la pédale de frein, le 4 temps produit un effet de ralentissement plus accentué dès qu'il n'est plus alimenté.



Inconvénients :

- Une Munga affublée d'un moteur étranger ne peut prétendre au statut de véhicule de collection, d'où la décote de 50% généralement observée dans les transactions.

- Des modifications parfois profondes de la structure rendent difficiles la reconversion à l'origine. Si par dessus tout la caisse est corrodée, le véhicule ne peut plus guère servir que de banque de pièces.

- La transmission a certainement souffert des efforts et du poids supplémentaire imposés par le moteur 4t.

- L'argument d'une possible économie de carburant en 4 temps est fallacieux. Un véhicule tous-terrains tel que la Munga ne peut prétendre à une consommation modérée du fait des frottements mécaniques imposées par la transmission 4x4, de la résistance au roulement des pneumatiques TT et, sur route, de l'aérodynamique plutôt défavorable (c'est un euphémisme) de la carrosserie torpédo.
En conséquence, un moteur R12 par exemple qui consommerait 8 l/100km sur la voiture, ne descendra pas en dessous de 11-12 litres sur la jeep. A titre comparatif, 12 litres aux 100 est la consommation annoncée pour l'Iltis ...


En résumé, si vous ne parvenez pas à atteindre la plénitude avec le 2 temps, optez plutôt pour une Iltis, voire une Niva....

Comme acheteur potentiel, ne rejetez pas systématiquement les Munga transformées, si la caisse est saine et le prix mesuré. Dans ce cas, voir ci-dessous....

Si vous êtes en possession d'une Munga au moteur greffé, nous ne saurions trop vous conseiller de suivre les ventes aux enchères à titre préventif, afin d'y dégoter un véhicule vendu pour la pièce et équipé du 3 cylindres.

Enfin, si l'idée d'une transplantation vous tenaille, la seule motorisation alternative digne de prendre place sous le capot serait un groupe 3 cylindres 2 temps à injection directe tel qu'on le trouve sur les hors-bords actuels.

Ainsi serait sauf l'esprit de la Munga matérialisé à la mode néo-rétro!





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